J’ai avalé mon histoire comme j’ai mangé la tienne, Poète, Sculpteur ou Peintre d’éternité au présent… Quel repas, dis-tu, avons-nous partagé ? À quand, et avec qui , le prochain ? On verra... On lira ... | Marie-Thérèse PEYRIN - Janvier 2015

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Disparition [ Pour Sylvie Durbec]

 

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Pour Sylvie DURBEC, en écho à son texte du samedi 20 octobre 2012

"Le monde est effacé ce matin, seuls les décombres" sur SMOUROUTE.

 

J'apprends aussi "un mort !" (supplémentaire)...ce week-end - qui n'était pas un proche, qui n'était pas célèbre - mais habitait une grande maison au milieu d'un vaste parc clos de murs, avec sa femme et leurs deux enfants : une fille, un gars devenus grands -le disparu est un voisin de mon père, originaire de ce village où j'ai grandi et vivant pour son travail à Paris une grande partie de l'année. Et sa disparition me peine... me choque... Je vois l'homme quelques mois plus tôt, quelques mots plutôt, dans la rue avec son bandage d'épaule à scratchs. Meurt-on d'une déchirure à l'épaule ? Il y avait peut-être autre chose que personne ne sait, dont il n'a pas parlé . Le couple était discret, réservé. Mon père les appréciait et ils venaient parfois à la maison, entrant avec cette délicieuse courtoisie des gens bien éduqués, et cette capacité à traiter de sujets anodins autant que de sujets érudits, passant des uns aux autres avec souplesse, délicatesse. Mon père disait qu'ils tranchaient avec la mentalité rurale des gens du coin. Il est tranchant lui aussi, mon père... Il se souvient qu'il a mis plus de trente ans avec ma mère à se faire accepter dans la région à leur arrivée, c'était trois ans après ma naissance. Moi je me souviens du soleil, de la chaleur des murailles et des cailloux calcaires dans la garrigue.Les Parisiens venaient retrouver cela. Et ils passaient tout l'été dans leur verdure, à l'abri des regards. Leur fils venait jouer avec mon petit frère, il était aussi raffiné que ses parents ; sa grande soeur étudiait beaucoup, et semblait enfermée dans ses lectures comme une princesse dans sa tour. Cette famille m'intriguait, elle n'avait aucune mesure avec les marmailles du village auxquelles nos escapades d'enfants étaient acoquinées. Ce temps me paraît très lointain, mais aujourd'hui il resurgit brutalement, tandis que nous cherchons mon père et moi, l'adresse Parisienne de la veuve, qu'il n'a jamais eu l'idée de noter ni même le téléphone... Ils étaient voisins et ne s'appelaient pratiquement jamais puisqu'ils étaient certains de se croiser dans la journée...Aujourd'hui, mon père est allé avec sa canne au cimetière, il a voulu visiter une vieille tombe de cette famille, mais il n'a retrouvé que de vieilles inscriptions... L'un des ancêtres médecin a été maire du village ... Aujourd'hui, rien de nouveau n'est écrit sur la pierre grise . Où est passé le mort du parc d'en face ? Qu'est-il arrivé à un homme aussi raffiné et si gentil? Une page de nos vies s'efface soudain péniblement... Je regarde le mur du parc assise sur le balcon paternel, je ne comprends pas la différence avec le mur d'avant... et pourtant... Et qui va désherber désormais ? 



 Dimanche 21/10   21h

Ces deuils comme des seuils...

PARCE QU A CHAQUE POIS UNE FILLE TOMBE

 

 

Ailleurs, les mêmes pensées clignotent

Le pas à pas du démantèlement des mémoires

Le souffle pris en flagrant délit d'ostentation

qui s'amuse à rebrouiller les pistes

Il mélange des vies à l'humus des paroles

Il brasse les silences comme une pâte molle

Elle  lève odorante pour un pain  espéré

 

Mes morts ne mangent pas

Mes vivants s'éternisent

devant la table vide

Ils  jurent à foison

  un peu pour faire du son

se plaindre ou réclamer 

l'attention d'une hôtesse

qu'il importe d'aimer

Et qu'importe le sexe

et le type d'oreilles

Ventre affamé dévore

à tous les rateliers

s'endort dans un soupir

se réveille en dépit

s'exclame et prolifère

dans des cris incongrus

 

Ailleurs, d'autres pensées clignotent

mais elles sont échangeables

Le calme est revenu

Le beau temps se remplume

Un oeil facultatif vous refait l'inventaire

 

 

 

 


Itinéraire un peu rare

 

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On a ce goût des autres malgré les remontrances

le lien hissé à vif a recousu  le style

 

L’air pris dans la parole s’est  lesté  d’habitude

drainant avec le temps des émotions cruelles

 

Les nuits sont à l’envers le jour est mutilé

des gestes meurent hagards sous  cette pluie facile

 

Et si les gris plombés les doutes perfectibles

nous rendent le fardeau plus lourd qu’il n’ est voulu

 

Nous reprenons souvent le chemin intérieur

aveugle et sourd au pire  confidentiel  rêveur

 

Nous voulons séparer l’ombre acquise et  la proie

restaurant le visage antérieur aux sentences

 

Probablement  d’ailleurs nous  serons injoignables

délivrés de la dette ne mettons plus de gants !

 


Elle écrit aux Amoureux...

 

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Aujourd’hui se multiplient ceux qui croient qu’on se débarrasse des pensées comme on enlève les épaisseurs de vêtements sur le corps, en fonction des saisons. Voilà peut-être pourquoi l’habillement et ses innombrables variantes et modes ont autant d’importance dans nos rues ou même nos institutions. Stratégies et surenchères de séduction au risque de la mutilation et de la dépersonnalisation... Ambivalences perpétuelles entre singularité ou conformisme affichés.  On se donne le change, on change de vie comme de chaussettes. On ne les répare plus comme autrefois en les glissant soigneusement, l’accroc en dessus bien visible, sur l’œuf de bois à repriser. Aujourd’hui les pensées ne sont pas réversibles comme les cols, elles doivent satisfaire, elles font partie des produits consommables. La vie est trop courte pour la rendre pénible en s’embarrassant de contraintes physiques ou affectives, mais changer très souvent de décor, « s’éclater » comme ils disent, n’est pas  la voie royale de la sérénité. Si c’était vrai, comme disent les anciens, ça se saurait. User l’amour jusqu’à la corde ? Non ! Plutôt desserrer un peu les nœuds au fur et à mesure, mais réfléchir un peu avant de les trancher, tomber dans un glacier est si vite arrivé. On tient la main aux enfants pour qu’ils traversent les passages dangereux. On ne tient pas assez la main aux adultes. On leur fait confiance. Peut-être à tort ? Toutes les histoires d’amour finissent mal hurle la Dame Mitsouko. Peut-être à tort ?

 

 


Ce type qui dit...

 

Ce type qui dit, l'autre jour dans la piscine où nous nous rééduquons...

Ce type barbe poivre et sel qui dit en riant très fort :

" Vous , les femmes, vous n'avez aucune culture politique, vous ne pouvez pas comprendre ce qui est important dans le paysage mondial actuel..."

Ce type qui ne sait plus contrôler sa colère  et que je trouve ridicule soudain...

Ce type fait peur...

A mon âge, il ne faut plus avoir peur... Il faut continuer à bouger et à parler...

à nager...

 

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Entre la sculpture de Germaine Richier et moi ce n'est pas fini...

 

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 Photographie Mth Peyrin à Antibes -  Oeuvre de Germaine Richier |Musée Picasso - Eté 2000 (c)


« Nous, ce n’est pas comme cela qu’on a appris les choses ».Je veux parler des  vieux souvenirs de famille qui ont eu une influence sur ta vie ou la mienne, sans  qu’on s'en aperçoive d’emblée ou  au contraire après un très long  temps, un trop long temps. Les adultes mentent, les adultes se taisent, croyant épargner les jeunes des effets délétères d’histoires réelles. Malgré les images des journaux, de la télé et maintenant d’internet, ils inventent des versions qui ne tiennent pas la route, les embardées de mémoire laissent parfois des questions sans bornes ni contours dans le cerveau des gosses. La femme debout sourit dans sa peau  sombre de pierre froissée. Une grande partie de sa tête est ailleurs, délibérément diluée dans le ciel au dessus de la mer. La cicatrice brille au milieu du corps. C’est une rencontre importante.

 

 


Applaudir en même temps ?...

 

 

 

 

A  Fabienne SWIATLY et à ce qu'elle a dit...

 

Tout ce qui appelle l’adhésion, ou mieux l’enthousiasme a valeur d’excitation collective. On nous a appris à récompenser l’effort de montrer la performance depuis la tendre enfance. Rester de marbre lorsque l’autre déclame, se contorsionne, prend des risques pour sa santé, lorsqu’il ou elle pousse les limites physiques jusqu’à l’insupportable, ou repousse les limites intellectuelles jusqu’à l’invention géniale, paraîtrait incongru. La distribution des bons points perdure et les revendiquer relève de la bonne intégration sociale à valeur consensuelle.
On ne peut que vouloir gagner, gagner un prestige, gagner du terrain, gagner sa vie pour ne pas la perdre… Dans les pays dits démocratiques ou annoncés tels, les outils de la majorité agissante, qu’elle soit manipulée ou non, sont les sondages où le pourcentage de sans-opinion est toujours préservé pour rendre les calculs crédibles. Mais il est rare que celui –ci autant que les deux autres tiers des participants ne soient pas influencés par le mode et les circonstances  de recueil de la position testée. L’air du temps, l’intime conviction par renversement caricatural de tendance s’expriment comme des gaz  anesthésiants. Selon la logique binaire du content/pas content, satisfait /insatisfait, favorable/défavorable, on peut vouloir évaluer la couleur des nouveaux M & Ms ou  l’intervention américaine pour la disparition d’un terroriste redouté qualifié d’ennemi public N°1 . La réussite d’une traque nous est servie sans preuves directes et la non-adhésion au procédé guerrier et probablement politique  fait figure d’absence de compassion pour les victimes du terrorisme. Depuis la chute de la dictature roumaine et la guerre du golfe, la manipulation de l’opinion est devenue un sport médiatique international et surtout lucratif pour ne pas dire mafieux. Moins on en voit et plus on imagine, plus on imagine et moins on est crédible mais on s’en moque puisque ce n’est pas la vérité qui compte, c’est l’effet de vérité escompté. « Justice est faite ! ». Barack Obama est déconcertant pour ne pas dire décevant. Encore un qui joue avec ses petits soldats playmobils pour sauver les élus d’un Dieu plus qu’hypothétique. La bonne  foi du quidam New-Yorkais qui a vécu les événements des tours effondrées n’est pas ici en cause, c’est sa crédulité devant les thèses simplistes et manichéennes qui lui sont servies à l’heure du repas. L’image de la torture à l’eau diffusée au moment où nos mômes boivent leur coca light et dévorent leur gratin de pommes de terre bio, serait parfaitement légitime puisque cela a servi à « cuisiner «  l’assistant du grand malfaisant à barbe et à le géo-localiser au Pakistan dans son supposé terrier blanc. Info ou Intox ? « Ceux qui ne sont pas avec les américains, sont contre eux », nous a-t-on assené au moment de la Guerre du Golfe.

     Or, assimiler une majorité de citoyens manipulés par des stratégies géo-politiques de contrôle des ressources planétaires, à la totalité des américains qui essaient de préserver leur pouvoir d’achat et de se soigner correctement quelles qu’en soient les conséquences dans les pays sous tutelle, c’est mentir. « A la guerre comme à la guerre », nous assènera-t-on bientôt. « Nous oeuvrons pour votre sécurité… » « Qui veut la paix prépare la guerre », a-t-on entendu pendant l’enfance, et curieusement seulement du côté de porteurs d’armes adoubés par le système de paranoïa bien huilé. Ma mère qui a eu des «  mitraillettes dans les côtelettes » à côté d’un gamin de 12 ans, pour avoir été sommée de donner des renseignements qu’elle n’avait pas ou ne voulait pas donner à l’ennemi du moment, m’a inculqué la haine du fusil . Je ne me réjouirai jamais avec ou sans les autres humains de ce goût du désastre et de la bouillie humaine quel que soit son camp d’émergence.  Et j’exècre le mensonge et la dissimulation qui ne font qu’attiser le fanatisme et la vengeance.
Ce n’est pas parce que mon oncle évadé du STO déporté à Dachau a été exterminé que j’en veux à l’Allemagne entière. Les types qui ont fait ça étaient des criminels fabriqués par un système de paranoïa où nous retombons chaque fois que nous géo-localisons le mal et le personnalisons à outrance. Et je n’aime pas lorsqu’on me dit  qu’il est mort pour la France. Trois guerres fratricides plus le démantèlement de Balkans c’est pas suffisant ?  Je n’aime pas ce qui se passe en France aujourd’hui à propos de l’islam, de l’identité nationale et de tous les amalgames, car je crains un retour du refoulé aussi aveugle et idiot que toutes les guerres de religions passées. Etre laïque c’est ne pas vouloir qu’on m’impose un Dieu imaginaire qui n’a fait que des dégâts et des privilèges exorbitants dans des communautés clivantes qui cherchent à sauver leur peau , par leur domination morale et économique .
Un criminel est un criminel. Et un état ou un individu qui impose la peine de mort est un criminel. Aucun crime n’est souhaitable. La loi du Talion, ça suffit !
Ma belle-sœur est franco-italienne, mon neveu franco-algérien, ma fille parle plusieurs langues et ne pourra bientôt plus voyager à l’étranger parce qu’on va lui dire que c’est imprudent… C’est quoi cette planète de prédateurs et d’égoïstes !  Le terrorisme commence dès que j’ai peur des réactions de mes voisins dans une file d’attente de supermarché en temps de paix. Je refuse d’avoir peur avant l’heure.  Et si j’ai à choisir un camp, cela ne sera  pas celui de la bêtise généralisée.



Sortie de Lit ...


PETITE FILLE ET POUPEE HUILE SUR BOIS

EVARISTO  Petite fille à la poupée


 

 



Une femme aidait notre mère fatiguée par toute sa marmaille, car nous étions nombreux ,et d'âges rapprochés à la maison. Cette femme  m’a raconté longtemps et souvent,  que je passais des heures à rêvasser sur mon lit, avec des papiers, des crayons, des ciseaux, de la colle blanche compacte au goût d'amande,  que je creusais avec sa minuscule pelle ( Le luxe !). C'était sans doute ma façon , entre 6 et 12 ans,de m'extraire du monde, des bagarres de frangins, des injonctions au ménage ou aux courses ( Aller chercher les gros pains, faire la queue à la boucherie dans les odeurs troublantes de viande fraîche et sanguinolente, entrevoir les couteaux et les frigos aux bruits d’épaisses portes de prison...). J'aimais lire, dessiner et écrire... J'aime toujours ... Je ne sais  à quel moment, je suis sortie de mon lit pour affronter le reste du monde... Plus tard, le lit des pensions a été un exil... La guitare et les chansons de Brassens,  furent un moyen de partir dans les mots et la passion du langage... Les cours de français m'ennuyaient, je préférais les vraies personnes, leur comportement m'intriguait... J'avais envie de comprendre... Alors je les ai observées, j'ai fait ma vie... la remplissant d'amour, d'enfants, d'un métier, d'amitiés, de très peu d'ennui ( C'est une chance...) , j'ai lu , beaucoup, dès que j'ai pu, et chaque fois que je le peux encore... Mais maintenant j'écris... Pas pour des livres encore... Des livres on en "fabrique" trop... Et pourtant ils sont utiles pour comprendre et pour se donner du désir, du plaisir, au moins à soi, et aussi à quelques autres... Il paraît que c'est très courant chez les femmes qui ont dépassé l'âge de la procréation... Et pour les hommes ce serait pour laisser une progéniture de papier (et maintenant numérique) à la postérité... On nous dit des choses troublantes parfois...

Les affirmations de ce genre ne sont pas toutes complètement fausses. Le néant nous taraude tous et toutes à des degrés divers...

J'ai entendu une expression dans une conférence il y a quelques temps : c'était "la fabrique des idées" ... Le thème était proposé à J.B PONTALIS, invité à parler de "son oeuvre"... Lui, un peu moqueur, l'a récusée d'emblée... Il a parlé du hasard, des rencontres, de la polysémie des mots, de leur usage "rêvant", de la nécessité où il était de ne jamais en finir avec la construction de la relation de "l'un à l'autre"... La pensée n'est pas pour lui intellectuelle, elle est matérielle, émotionnelle et sensuelle... Cela n'est pas indispensable de la rendre inintelligible sous le vocabulaire savant (et pourtant il est co-auteur d'un dictionnaire de la psychanalyse...). Les mots sont des morceaux de rêve... Des morceaux de désir... Des osselets qui sont les restes lisses de toutes les idées légères que nous tentons de projeter en l'air et qui retombent parfois dans nos paumes mentales, pour alimenter nos acrobaties joueuses...

 

12-04-2006 


Tout pour être ahuris

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Photo Amandine Peyrin (c)

 

Pour ceux qui n'ont pas la vie qu'ils ont voulue,

ni en vrai, ni en rêve...

Pour ceux qui ont pu l'écrire ...

parfois...

 

 

 

Silences...

Ascendance incluse

dissidence émue

la tendre dent des mots

a poussé

toute droite

toute drue

à cet endroit exact

sur l'étal des morsures

dans l'offensive inerte

d'un rêve incontrôlé.

*

Rien, non !

rien n'était prévu.

*

Il suffisait de dire

qu'on avait la douleur

en amont de la bouche

Il suffisait de taire

qu'à l'entour des mémoires

on avait souvent peur.

*

Rien, non !

rien n'était voulu.

*

Le livre avait nourri

la graine inconsommable

les phrases avaient levé

une aube transversale

nul don ne s'opposait

au regard qui dédouane.

*

Rien, non !

rien n'était détruit.

*

Et lorsqu'on louvoyait

entre oubli et forfait

sommeillait une voix

emplie de certitudes

On cachait les chagrins

au pied des sentinelles

dans la lie des secrets

tenus pour avant-garde.

*

Rien, non !

Rien n'était fini.

                                                 

 (c) Juillet 2005