Disparition [ Pour Sylvie Durbec]
lundi 22 octobre 2012
Pour Sylvie DURBEC, en écho à son texte du samedi 20 octobre 2012
"Le monde est effacé ce matin, seuls les décombres" sur SMOUROUTE.
J'apprends aussi "un mort !" (supplémentaire)...ce week-end - qui n'était pas un proche, qui n'était pas célèbre - mais habitait une grande maison au milieu d'un vaste parc clos de murs, avec sa femme et leurs deux enfants : une fille, un gars devenus grands -le disparu est un voisin de mon père, originaire de ce village où j'ai grandi et vivant pour son travail à Paris une grande partie de l'année. Et sa disparition me peine... me choque... Je vois l'homme quelques mois plus tôt, quelques mots plutôt, dans la rue avec son bandage d'épaule à scratchs. Meurt-on d'une déchirure à l'épaule ? Il y avait peut-être autre chose que personne ne sait, dont il n'a pas parlé . Le couple était discret, réservé. Mon père les appréciait et ils venaient parfois à la maison, entrant avec cette délicieuse courtoisie des gens bien éduqués, et cette capacité à traiter de sujets anodins autant que de sujets érudits, passant des uns aux autres avec souplesse, délicatesse. Mon père disait qu'ils tranchaient avec la mentalité rurale des gens du coin. Il est tranchant lui aussi, mon père... Il se souvient qu'il a mis plus de trente ans avec ma mère à se faire accepter dans la région à leur arrivée, c'était trois ans après ma naissance. Moi je me souviens du soleil, de la chaleur des murailles et des cailloux calcaires dans la garrigue.Les Parisiens venaient retrouver cela. Et ils passaient tout l'été dans leur verdure, à l'abri des regards. Leur fils venait jouer avec mon petit frère, il était aussi raffiné que ses parents ; sa grande soeur étudiait beaucoup, et semblait enfermée dans ses lectures comme une princesse dans sa tour. Cette famille m'intriguait, elle n'avait aucune mesure avec les marmailles du village auxquelles nos escapades d'enfants étaient acoquinées. Ce temps me paraît très lointain, mais aujourd'hui il resurgit brutalement, tandis que nous cherchons mon père et moi, l'adresse Parisienne de la veuve, qu'il n'a jamais eu l'idée de noter ni même le téléphone... Ils étaient voisins et ne s'appelaient pratiquement jamais puisqu'ils étaient certains de se croiser dans la journée...Aujourd'hui, mon père est allé avec sa canne au cimetière, il a voulu visiter une vieille tombe de cette famille, mais il n'a retrouvé que de vieilles inscriptions... L'un des ancêtres médecin a été maire du village ... Aujourd'hui, rien de nouveau n'est écrit sur la pierre grise . Où est passé le mort du parc d'en face ? Qu'est-il arrivé à un homme aussi raffiné et si gentil? Une page de nos vies s'efface soudain péniblement... Je regarde le mur du parc assise sur le balcon paternel, je ne comprends pas la différence avec le mur d'avant... et pourtant... Et qui va désherber désormais ?
Dimanche 21/10 21h